Hibou grand-duc : ombres et brouillard sur toute la ligne

Le Hibou grand-duc ne sait pas la chance qu’il a : sa vie est sauvée, et ce, grâce aux 19 éoliennes géantes de la Montagne de Buttes. Cerise sur le gâteau, cette gigantesque zone de production industrielle d’électricité va apporter une « valeur ajoutée importante » à l’environnement. Le lobby électrique et les autorités seraient-ils les sauveurs de la nature ?

(c) Pixabay

Les médias se sont largement fait l’écho de la générosité sans limite des promoteurs du parc éolien de la Montagne de Buttes: la ligne électrique aérienne faisant une boucle sur les hauteurs de St-Sulpice dans le Val-de-Travers sera enfouie « dès que possible ». But : protéger le Hibou grand-duc qui niche dans le secteur et va chasser sur la Montagne de Buttes… au beau milieu des futures éoliennes.

Les 19 hélices seront très meurtrières pour la faune ailée. Plusieurs centaines voire plusieurs milliers d’oiseaux y mourront chaque année par collision. Une récente étude menée sur les éoliennes du Peuchapatte (JU) a montré qu’en moyenne, 21 oiseaux y entrent en collision chaque année avec une des trois éoliennes. Or, avec ses 19 machines, le parc éolien de la Montagne de Buttes présente un risque plus élevé par machine en raison de son étendue. Sans compter que la taille des hélices n’est pas comparable : 80 mètres de diamètre au Peuchapatte, contre 130 mètres à la Montagne de Buttes. La surface balayée sera ainsi quasiment trois fois plus grande, augmentant d’autant la mortalité.

Pour compenser cette mortalité, les promoteurs externes à notre région – les Services industriels de Genève et le fribourgeois Groupe E – prévoient quelques mesurettes dites « de compensation ». Dans le périmètre du parc éolien, certains pylônes seront assainis pour réduire la mortalité liée à l’électrocution. Combien ? 90 pylônes… sur les 1790 que compte le périmètre, soit 5%. Coût de l’opération ? moins de CHF 90’000.- de travaux. Pas même des cacahuètes.

Pire encore, l’assainissement des pylônes existants ne constitue en réalité même pas une mesure de compensation étant donné qu’il découle d’une obligation en vertu de l’article 30 de l’ordonnance fédérale sur les lignes électriques. Ce même article oblige d’ailleurs aussi à prendre les mesures nécessaires pour les nouvelles lignes, telle que celle qui remplacera la ligne actuelle de St-Sulpice et qui évacuera l’électricité produite à la Montagne de Buttes : elle doit de toute manière être enterrée. Sous couvert de « valeur ajoutée importante », Groupe E ne fait que ce à quoi il est légalement tenu.

Nul doute qu’enterrer des lignes électriques est une bonne chose pour la faune ailée. Instrumentaliser cette initiative, qui doit être mise en œuvre indépendamment de la construction du parc éolien, en dit long sur le marketing sous-jacent, consistant à faire croire à la population qu’un projet aussi destructeur que le parc éolien de la Montagne de Buttes serait un « plus » pour le paysage et la nature.