L’information est passée inaperçue, elle est pourtant déterminante pour le bon fonctionnement de notre démocratie : le Tribunal fédéral estime que les activités des membres d’exécutifs à la tête de lobbies avant leur élection sont sans conséquence sur leur activité dans un gouvernement. Ils ou elles ne doivent ainsi pas se récuser lors de décisions entrant en collision avec leur activité antérieure.
Le Tribunal fédéral vient de publier un arrêt (1C_10/2020) rejetant un recours contre le projet de centrale éolienne de la Montagne de Buttes. Déposé par des habitants du Val-de-Travers, ce recours montrait que le Conseiller d’Etat Laurent Favre aurait dû se récuser dans ce dossier, car il a présidé par le passé Suisse Eole, le lobby des promoteurs éoliens.
Dans le cadre de son engagement militant en faveur des entreprises éoliennes entre 2008 et 2012, Laurent Favre était intervenu directement dans le débat autour de l’initiative pour l’Avenir des Crêtes dans le Canton de Neuchâtel. Lors d’une conférence de presse tenue en 2010 à La Chaux-de-Fonds, Il dénonçait ainsi « la publication de photomontages trompeurs et d’affirmations mensongères sur l’énergie éolienne ». Il accusait les opposants aux projets éoliens d’« exagérer grossièrement certains impacts » et mettait en doute la motivation des auteurs de l’initiative (ArcInfo, 4 novembre 2010).
Le droit fédéral et cantonal est clair : les personnes appelées à rendre une décision doivent se récuser si elles peuvent avoir une opinion préconçue sur l’affaire traitée. Pour Les Travers du Vent, il ne fait guère de doute que les opinions personnelles exprimées par Laurent Favre sont incompatibles avec ses décisions en lien avec la politique éolienne du Canton, qui implique des pesées d’intérêts sensibles, et qu’il devait se récuser.
L’association Les Travers du Vent prend acte de cet arrêt avec circonspection. Au-delà de la question éolienne, le Tribunal fédéral ferme ainsi la porte à toute possibilité de récusation d’un membre d’un exécutif en rapport avec ses activités avant son élection, ce qui paraît hautement discutable, notamment dans un cas avéré comme celui de Laurent Favre. Un bel avenir financier s’ouvre aux lobbies et à leur clientèle, mais les droits des citoyennes et des citoyens n’en sortent pas grandis.